3 octobre 2020 - 100 km D+3500
3 tortues se sont frottées à cette première édition de l'UTMJ qui a connu les 4 saisons !!! Bravo à Paula, Cyril et Ophélie !!! Voici le récit de Ophélie :
3h10 samedi 3 octobre, station de ski « les Rousses » dans le Jura.
Le réveil sonne, les premières notes ont à peine retenti que je suis déjà debout.
Mon premier réflexe est d’ouvrir les volets, l’idée est bien malheureuse, le miracle espéré ne s’est pas produit : la pluie est diluvienne et le froid polaire.
Direction la douche, je m’interroge sur la pertinence de celle-ci, « A quoi bon ? » me dis-je « je vais me faire rincer pendant des heures » !!!!
Réveillée par le jet brûlant, je commence ma préparation, pantalon, sur-pantalon imperméable, tee-shirt thermique, haut chaud.
Une banane et un carré de chocolat plus tard, je fais le point sur mon sac, remplis mes flasques. Mes gestes sont lents, je recule le moment où il faudra sortir et affronter le déluge.
Chaussettes, chaussures, veste de pluie, bonnet, lampe frontale, sous gants, gants imperméables et pour finir un magnifique poncho vert fluo.
Mon accoutrement tient plus du bonhomme Michelin que de l’ultra traileuse ! Tant pis ! Il parait que l’habit ne fait pas le moine !...
4h10 : 5min à pied me séparent du départ de la course, il n’en faut pas plus pour que je sois déjà trempée. Dossard récupéré, épinglé, il ne reste plus qu’à attendre que le départ soit donné.
4h50 : le speaker appelle les coureurs sur le départ, la pluie a laissé place à la neige, personne ne semble pressé de rejoindre l’arche…
4h55 : briefing du directeur de course, je n’écoute que d’une oreille.
Pourtant, ces dernières paroles restent ancrées dans ma mémoire : « les conditions sont terribles, vous partez au meilleur moment, ça ne peut pas être pire !!! ça va être dur mais ça va être beau ! »
J’essaye de ne pas penser aux 113km et 4600m de d+ qui m’attendent. On se tape dans la main avec Paula et Cyril, on se souhaite bonne course et courage ! Je sais que je ne les reverrai pas, ils seront loin devant, il me faudra donc courir seule.
5h : c’est parti, le départ est donné, quelques mètres plus loin le masque est retiré et la course lancée ! Pas de précipitations ! La route sera longue !
Première étape : 16 km, la plus longue, TD, mon « assistant » pour l’occasion m’a prévenu, il ne pense être là qu’au deuxième ravitaillement. J’aurai donc 25km à parcourir avant de voir un visage connu.
Dès les premiers km la boue est au rendez-vous, des ruisseaux d’eau traversent les chemins, mes pieds sont déjà trempés et je ne prends même pas la peine d’essayer de les contourner ! Malgré tout, j’ai chaud ! Il est temps d’enlever mon déguisement de luciole !
Première montée : moi qui d’habitude monte facilement et vite je me sens lourde et lente, ça n’augure rien de bon pour la suite… S’en suit une belle descente, je dépasse facilement de nombreux traileurs ! J’en reste abasourdie ! C’est le monde à l’envers !!!
Les km défilent vite, j’approche du 1er ravito, au loin j’aperçois une guirlande lumineuse vivante ! « Ne serait-ce pas TD ?? » Il est là ! Il m’attend ! Quelle joie et quelle surprise de le voir ! Je me débarrasse de cette fameuse cape, changement de flasque, briefing sur la prochaine étape, nouvelles de Cyril et Paula… Prémices d’un rituel qui sera de mise tout le long de la course ! Interrogée sur ma forme je réponds « Je suis en mode Bob Marley ! Doucement mais sûrement ! » ça le fait rire !!!
Il faut faire la queue pour accéder au ravito, j’essaye de patienter, mais ça m’agace, j’ai envie de repartir ! J’attrape quelques denrées au hasard : du pain d’épice et du fromage ! Fameux mélange !!! Le rendez-vous est donné à TD, prochain ravito dans 9 km ! Ca va passer vite !
Deuxième ravito : je suis bien en avance sur mes prévisions ! TD m’attend 1 ou 2 km avant et nous faisons route ensemble.
Il fait froid, mais la pluie s’est arrêtée et le jour s’est levé. L’ambiance est festive, les bénévoles ont mis de la musique. J’ai envie de rester là, de danser et de m’amuser avec ce groupe de joyeux lurons ! Mais il n’est pas question de trop trainer, je laisse ma frontale, change de buff et il est déjà temps de repartir, 10 km jusqu’au prochain ! Facile !
3eme ravito : 35 km, 1h d’avance sur les prévisions ! Tout va bien, ou du mieux possible ! TD me propose de me changer, je refuse, je me sens bien ! Je ne reste pas longtemps, mais suffisamment pour me refroidir.
A peine quelques minutes après, je regrette amèrement ma décision, j’ai froid, je ne sens plus mes doigts. Je cours en espérant me réchauffer vite. Un peu plus loin j’aperçois une fille, je la double, elle accompagne un coureur du 180 (je l’apprendrais plus tard), quelques mètres plus loin je me mets à marcher, elle m’apostrophe en m’ordonnant de ne pas lâcher et de me remettre à courir ! J’obéis. Mes jambes sont déjà lourdes, je ne cours plus très vite, je suis inquiète ! Je suis seulement au tiers du parcours ! « Comment vais-je tenir ??? ».
Je chasse vite ces pensées de mon esprit et continue ma route.
J’ai hâte d’arriver au prochain ravito, où j’ai prévu de faire une bonne pause, de me changer et de bien manger.
TD, comme à son habitude, a remonté le parcours pour m’accompagner sur les derniers km. Et cette fois « remonter » est un doux euphémisme ! Nous arrivons en haut d’une piste de saut à ski ! La descente, dans des escaliers qui longent la piste, est vertigineuse, elle semble interminable ! Je descends en regardant mes pieds et plaisantant avec des coureurs juste derrière moi.
Je m’assois dans le coffre de la voiture, je me régale d’un bon sandwich et d’une cigarette ! Changement intégral de tenue et de baskets, des chaussettes sèches, quel luxe !!!
Je repars 40min plus tard, je n’ai plus d’avance sur le timing programmé mais la pause était nécessaire.
Je suis requinquée ! J’avance bien, presque vite ! Je double quelques traileurs. Je profite de cette soudaine forme, un peu trop peut-être…
Le prochain ravito se trouve à Mouthe, village le plus froid de France. Pourtant quelques rayons de soleil transpercent les nuages, les paysages sont magnifiques ! Je me retourne régulièrement pour en profiter et m’emplir d’ondes positives.
54km : j’arrive au ravito en forme, TD a tout ce dont j’ai besoin dans son sac à dos (il court lesté !!) . Court arrêt, je repars, ne voulant pas perdre trop de temps sur les coureuses qui m’ont doublée lors d’une pause pipi !!! « GRRRR ».
Malheureusement mes forces déclinent à vitesse grand V, je n’avance plus, chaque pas me demande un effort surhumain, je sens des coureurs remonter et me doubler. Le moral baisse proportionnellement à ma vitesse. Les doutes m’envahissent. Mes jambes me font souffrir atrocement, je ne suis qu’à mi-course ! « Je n’y arriverais jamais ! ».
Mais il n’est pas question de lâcher ! L’abandon n’est pas une option ! Je reçois régulièrement des messages d’encouragement sur ma montre : de mes copains du club, des collègues, de mes amis, pour eux je dois continuer !
TD m’attend sur le chemin, j’arrive à sa hauteur en trottinant à une vitesse d’escargot. Il me demande comment je vais, je ne réponds pas mais lui lance un regard qui en dit long. Je refuse d’avouer ma méforme alors que je suis entourée de plusieurs traileuses.
Il a compris, il m’incite à prendre un gel, ce n’est pas dans mes habitudes, mais je suis prête à tout pour sortir de cette mélasse ! Je l’avale donc avec une grande gorgée d’eau « c’est bon ton truc ! ».
Arrivés à la voiture je m’assois, une nouvelle fois dans le coffre, j’enlève mes boosters sur les conseils de TD et je me ravitaille pendant qu’il me masse avec du baume du tigre pour essayer de soulager la douleur. J’ai l’impression de renaitre de mes cendres !
Le prochain ravito à Jougne au 76eme km est une base de vie, j’ai hâte d’y être !!!
Je n’ai pas ou peu de souvenirs de cette partie, j’ai dû débrancher le cerveau pour avancer et atteindre l’objectif le plus rapidement possible.
Je suis encore à 4km du ravito, et au loin j’aperçois TD, incroyable ! Il est déjà là !!! Il m’incite à prendre un autre gel, cette fois pas d’hésitation je l’avale avec délectation ! Une vraie potion magique !
Nous arrivons à la base de vie, j’ai encore l’énergie de faire quelques pitreries face à la caméra qui filme les participants.
Je rentre dans la salle, il fait une chaleur suffocante, il y a du monde partout, hors de question que je reste là ! J’attrape une assiette de riz à la bolognaise et sors. Il fait beau mais froid. TD sort une couverture de survie pour que je ne me refroidisse pas trop. Je mange avec appétit, qu’est-ce-que ça fait du bien !!!!!
Je récupère mon équipement pour la nuit et c’est reparti ! Je suis un peu désorientée et sûrement plus très lucide, je me rends compte rapidement (heureusement) que je suis repartie dans le mauvais sens ! « Demi-tour-Marche » ! J’ai encore la force de rire de mon étourderie !
L’étape suivante se déroulera en Suisse, le chemin est roulant, dans la forêt, ça monte, ça descend, c’est plat… Je cours, jouant au yo-yo avec deux concurrentes. J’arrive à maintenir une allure correcte et même si mes deux « adversaires » finissent par prendre un peu d’avance sur moi, après un passage exposé avec des cordes, le moral est au beau fixe.
J’ai mis mes écouteurs et lancé une playlist au hasard ! La musique est entrainante ! Et me pousse à avancer plus vite ! J’avale un nouveau gel ! Je sors de la forêt et retrouve mon fidèle assistant.
Nous trottinons, la nuit tombe, il est de nouveau enguirlandé ! Nous créons le « buzz » en rentrant dans une vielle grange réquisitionnée pour l’occasion ! TD a des allures de Père Noël et ça amuse beaucoup les bénévoles ! je me régale de tartines de mont-d’or et de pâté. La frontale vissée sur la tête, j’enfile une couche supplémentaire pour me protéger du froid de la nuit. Mes deux coureuses sont déjà reparties et il est hors de question de leur laisser trop d’avance !
TD m’explique qu’il n’est pas sûr de pouvoir me rejoindre au prochain ravito, c’est en effet à cet endroit que le parcours a été modifié. Nous ne savons pas vraiment combien de km j’ai à parcourir, une dizaine semble-t-il.
Quelques minutes après être repartie, je reçois un sms de mon super assistant, il ne sera pas au prochain ravito, il va directement à l’arrivée.
Une bouffée de panique m’envahit ! Je me suis reposée sur son assistance tout le long, comment vais-je faire ?
Je me reprends immédiatement, il n’est pas envisageable de flancher maintenant ! La fin est proche, 18 km me séparent de l’arrivée.
Calcul rapide : si j’avance à une moyenne de 5km/h j’ai encore presque 4h de course… c’est long, trop long… je finirai avant !!!
Déterminée, musique dans les oreilles je me mets à courir, c’est plat ou en descente douce, je cours de plus en plus vite ! Toutes mes douleurs, ma fatigue se sont envolés ! Magique !
J’arrive au dernier ravito, je remplis ma flasque, les deux filles sont sur mes talons, un verre de St Yorre à la main je repars sans perdre de temps.
9.9km et 300m de d+ avant l’arrivée.
Je cours dans la nuit noire, doublant tous les traileurs dans ma ligne de mire. Je ne m’autorise à marcher seulement quand la pente est trop forte.
Personne devant moi, je dois être très attentive aux balises mais aussi au chemin qui est bien boueux et pleins de racines (comme pendant la majeure partie de la course). Un mauvais appui et me voilà allongée de tout mon long dans la boue ! Je me relève, check up complet : aucun bobo ! Ouf !
Je redémarre sans perdre une second, j’aperçois deux concurrents au loin, je les rattrape facilement et passe devant. Je leur sers de lièvre.
Je suis concentrée sur le chemin qui se met à descendre, mais j’entends un bruit diffus par-dessus ma musique, on dirait des cris…
J’enlève mes écouteurs, les deux traileurs me hurlent que je me suis trompée de chemin. En effet les bandes réfléchissantes que j’ai aperçu sur une barrière à vache ne sont pas celles de la course.
Je les rattrape et les remercie avec effusions en me permettant de les doubler encore une fois.
La pluie est de nouveau de la partie, le vent souffle par rafale, j’aperçois TD ou plutôt le jeu de lumière envoutant.
J’accélère encore pour le rejoindre, la fin est proche. Je vois au loin une concurrente, en m’approchant je la reconnais ! Elle m’avait doublée dans les 30 premiers km ! Je suis très étonnée de la retrouver là ! Je la double facilement. Emporté par son élan TD accélère, je ne peux pas le suivre, je lui demande de ralentir pour que je puisse m’accrocher !
La pluie est de plus en plus forte mais je ne m’en soucie pas, une montée d’escaliers et l’arrivée me tend les bras.
TD s’écarte, j’accélère une dernière fois et passe sous l’arche en 17h12 !
Une photo, un coup d’œil à mon classement : 20ème... Comme prévu !
Nous nous réfugions vite sous la tente d’arrivée, le temps de grignoter un morceau de fromage et de tenter de réaliser le chemin parcouru !
J’ai réussi, je suis venue à bout de cet ultra et même si sur le moment je ne suis pas contente de moi, quelques heures plus tard je savourerai ma réussite et les souvenirs de cette belle aventure.
L’assistance sans faille dont j’ai bénéficiée m’a permis de surmonter toutes les difficultés et de ne pas trop souffrir des conditions difficiles.
Les courbatures n’ont pas encore totalement disparu, mais pourtant je n’ai déjà qu’une idée en tête : « on recommence quand ???? »